LE BILAN ORTHOPHONIQUE DE LA VOIX PARLEE, COMMENT S’ADAPTER A CHAQUE PATIENT ?
Carine Klein-Dallant, Orthophoniste
…Il existe différents types de plaintes, citons les principales :
- l’altération du timbre,
- la fatigue vocale, l’effort,
- la baisse de l’efficacité vocale,
- une perte d’intensité,
- la diminution de certaines capacités vocales,
- des problèmes liés à la hauteur de la voix,
- l’impossibilité de faire quelque chose que l’on pouvait faire…
- des sensations d’irritations, de brûlures, des tensions,
….L’idée est simplement de s’adapter au mieux à chaque patient. S’adapter, c’est tenir compte non pas d’une personne qui a une dysphonie, une lésion, mais aussi de son tempérament, mode de vie, de sa profession, de son contexte familial, social, de sa façon globale de s’exprimer, de crier, de téléphoner, de gérer son stress, son émotion, etc.
A la suite de cette phase d’écoute, (durant laquelle on en profite pour observer le geste vocal du patient : respiration, articulation, tonus, attaques, tensions, posture, regard, gestuelle,etc.) on peut, bien entendu, compléter par des questions plus précises, mais ces questions n’ont de sens que si elles permettent de comprendre mais surtout de faire comprendre de nouveaux éléments au patient.
Comprendre quand et comment une dysphonie a débuté et s’est chronicisée, par exemple, en explicitant les facteurs déclenchants et favorisants, permet de faire de la prévention en expliquant comment éviter de réunir à nouveau les mêmes facteurs, ou comment prendre davantage soin de sa voix si certains facteurs sont inévitables.
Nous devons aider le patient à faire en sorte que les facteurs puissent être rapidement ou progressivement identifiés puis, autant que faire se peut, éliminés, ou quand cela n’est pas possible totalement, l’aider à agir pour préserver sa voix malgré les quelques facteurs qui demeurent en place.
C’est, par exemple, expliquer comment protéger sa voix dans un environnement bruyant, comment être à l’écoute des signaux d’alarme que donne sa voix lors d’inflammations chroniques de la sphère Orl, et soigner celles-ci rapidement…
Comprendre comment le patient réagit devant sa voix qui s’altère nous permet de lui expliquer l’intérêt de tout le travail que nous allons lui proposer.
…La voix raconte quelque chose : par le souffle qui en émane (qu’il y en ait trop, trop peu, ou qu’il soit dans une notion d’équilibre), par la tension audible et visible (larynx, articulation, corps, geste vocal…) par le tonus (trop, trop peu de tonus vocal, articulatoire, gestuel, geste vocal…), par les altérations, irrégularités ponctuelles (éraillements et les moments où ceux-ci se manifestent, liés aux changements de hauteur, à la modulation, à l’émotion, aux tensions vocales, ou survenant à n’importe quel moment). Ce sont ces éléments qu’il nous faut entendre et apprendre à décrypter, plutôt que de chercher à leur donner un nom, car ces éléments sont la base de notre travail à venir. C’est sur tous ces points qu’il nous faudra agir.
…En ce qui concerne les épreuves, afin d’adapter au mieux le bilan à chaque patient, on adaptera celles-ci aux situations que vit le patient au quotidien. Une fois la voix conversationnelle analysée (au travers de tout ce qui est décrit ci-dessus, au travers de ce que cette voix nous dit finalement), pour aller au plus près de la demande du patient, on recensera les situations de phonation qu’il est amené à vivre : professionnelles, sociales, familiales, et bien d’autres viendront se rajouter au fil de la rééducation. On établira une sorte de planning de la semaine qui servira aussi au quotidien à la prise en charge de certaines situations de phonation, on les travaillera très concrètement dans tous les détails en séance et le patient chez lui afin de transférer les acquis.
Pourquoi faire passer la même épreuve de voix d’appel à tous les patients si Mme B., dans sa cuisine face à l’évier, passe dans les aigus pour appeler ses deux enfants au premier étage, si Monsieur F. appelle sa femme, dans la pièce d’à côté, en criant et si Mlle P. après six heures de cours promène son chien parti 100 mètres plus loin en forêt en hurlant.
…Le bilan est une enquête en bonne voie d’être résolue lorsque l’on dispose d’un ensemble de réponses à presque tous ces éléments. Ce qui nous permet d’expliquer au patient le pourquoi de cette dysphonie, de son apparition, du fait qu’elle perdure (au travers des facteurs déclenchant et favorisant la dysphonie, l’aphonie ou la dysodie) et ce que l’on va pouvoir faire pour l’aider au mieux. Tout est langage dans la voix, à nous de la décrypter.