EXTRAITS DU LIVRE

LE BILAN ORTHOPHONIQUE DE LA VOIX PARLEE, COMMENT  S’ADAPTER A CHAQUE PATIENT ?

Carine Klein-Dallant, Orthophoniste

…Il existe différents types de plaintes, citons les principales :

  •  l’altération du  timbre,
  •  la fatigue vocale, l’effort,
  •  la baisse de l’efficacité vocale,
  •  une perte d’intensité,
  •  la diminution de certaines capacités vocales, 
  •  des problèmes liés à la hauteur de la voix,
  •  l’impossibilité de faire quelque chose que l’on pouvait faire…
  •  des sensations d’irritations, de brûlures, des tensions,

….L’idée est simplement de s’adapter au mieux à chaque patient. S’adapter, c’est tenir compte non pas d’une personne qui a une dysphonie, une lésion, mais aussi de son tempérament, mode de vie, de sa profession, de son contexte familial, social, de sa façon globale de s’exprimer, de crier, de téléphoner, de gérer son stress, son émotion, etc.

A la suite de cette phase d’écoute, (durant laquelle on en profite pour observer le geste vocal du patient : respiration, articulation, tonus, attaques, tensions, posture, regard, gestuelle,etc.) on peut, bien entendu, compléter par des questions plus précises, mais ces questions n’ont de sens que si elles permettent de comprendre mais surtout de faire comprendre de nouveaux éléments au patient.

Comprendre quand et comment une dysphonie a débuté et s’est chronicisée, par exemple, en explicitant les facteurs déclenchants et favorisants, permet de faire de la prévention en expliquant comment éviter de réunir à nouveau les mêmes facteurs, ou comment prendre davantage soin de sa voix si certains facteurs sont inévitables.

 Nous devons aider le patient à faire en sorte que les facteurs puissent être rapidement ou progressivement identifiés puis, autant que faire se peut, éliminés, ou quand cela n’est pas possible totalement, l’aider à agir pour préserver sa voix malgré les quelques facteurs qui demeurent en place.

C’est, par exemple, expliquer comment protéger sa voix dans un environnement bruyant, comment être à l’écoute des signaux d’alarme que donne sa voix lors d’inflammations chroniques de la sphère Orl, et soigner celles-ci rapidement…

Comprendre comment le patient réagit devant sa voix qui s’altère nous permet de lui expliquer l’intérêt de tout le travail que nous allons lui proposer.

…La voix raconte quelque chose : par le souffle qui en émane (qu’il y en ait trop, trop peu, ou qu’il soit dans une notion d’équilibre), par la tension audible et visible (larynx, articulation, corps, geste vocal…) par le tonus (trop, trop peu de tonus vocal, articulatoire, gestuel, geste vocal…), par les altérations, irrégularités ponctuelles (éraillements et les moments où ceux-ci se manifestent, liés aux changements de hauteur, à la modulation, à l’émotion, aux tensions vocales, ou survenant à n’importe quel moment). Ce sont ces éléments qu’il nous faut entendre et apprendre à décrypter, plutôt que de chercher à leur donner un nom, car ces éléments sont la base de notre travail à venir. C’est sur tous ces points qu’il nous faudra agir.

…En ce qui concerne les épreuves, afin d’adapter au mieux le bilan à chaque patient, on adaptera celles-ci aux situations que vit le patient au quotidien. Une fois la voix conversationnelle analysée (au travers de tout ce qui est décrit ci-dessus, au travers de ce que cette voix nous dit finalement), pour aller au plus près de la demande du patient, on recensera les situations de phonation qu’il est amené à vivre  : professionnelles, sociales, familiales, et bien d’autres viendront se rajouter au fil de la rééducation. On établira une sorte de planning de la semaine qui servira aussi au quotidien à la prise en charge de certaines situations de phonation, on les travaillera très concrètement dans tous les détails en séance et le patient chez lui afin de transférer les acquis.

Pourquoi faire passer la même épreuve de voix d’appel à tous les patients si Mme B., dans sa cuisine face à l’évier, passe dans les aigus pour appeler ses deux enfants au premier étage, si Monsieur F. appelle sa femme, dans la pièce d’à côté, en criant et si Mlle P. après six heures de cours promène son chien parti 100 mètres plus loin en forêt en hurlant.

…Le bilan est une enquête en bonne voie d’être résolue lorsque l’on dispose d’un ensemble de réponses à presque tous ces éléments. Ce qui nous permet d’expliquer au patient le pourquoi de cette dysphonie, de son apparition, du fait qu’elle perdure (au travers des facteurs déclenchant et favorisant la dysphonie, l’aphonie ou la dysodie) et ce que l’on va pouvoir faire pour l’aider au mieux. Tout est langage dans la voix, à nous de la décrypter.

REEDUCATION VOCALE : COMPOSER SA SEANCE

Carine Klein-Dallant, Orthophoniste

Quelques mots-clés, fondements de la séance de rééducation vocale :

Comprendre, Ecouter,  Observer, Expliquer, Guider,  Autonomiser.

…Puis nous démarrons les premiers exercices de souffle-voix : à travailler ensemble dans la séance. Il n’y a pas, à mon sens,  de véritable intérêt à travailler le souffle seul durant plusieurs séances, le patient doit dès le début faire le lien souffle/voix ; à nous de lui signaler quand le souffle sera devenu un outil adapté. Mais il est également intéressant de constater ce qui se passe sur des exemples où la voix n’est pas posée sur un souffle-soutien de qualité. Puisque c’est ce qui se passe dans le quotidien du patient, autant mettre le doigt dessus en pratique. Quelques exercices au début visent à ne travailler que le souffle, mais le lien, la transition souffle-voix doit se faire dès les premières séances.

…je me permets de le couper pour lui expliquer que le but premier de tout le travail effectué jusque-là est de lui donner des outils adaptés pour que sa voix puisse être efficace, non fatiguée, non fatigable, non malmenée… en y rajoutant les objectifs fixés par le patient lors du bilan (voir le chapitre : Bilan orthophonique de la voix parlée : Comment s’adapter à chaque patient ?) et principalement peut-être lors de conversations. La conversation est « la » situation phonatoire la plus fréquente, la plus répétée chez quasiment tous les patients (même chez la plupart des professionnels de la voix). C’est aussi la situation qui semble la plus naturelle, ne demandant pas de concentration, or ce n’est pas le cas : il faudra au patient redoubler de concentration au départ pour appliquer ce que vous lui apprenez dans ces situations qui semblent faciles mais durant laquelle la voix est tout autant investie. C’est donc une des situations qu’il faut, dès le départ, le plus travailler en séance en s’assurant que les outils appris en « exercices »  soient parfaitement intégrés au geste vocal, c’est là le meilleur moyen de viser l’automatisation des apprentissages et l’autonomie du patient, afin qu’il puisse justement, le plus rapidement possible, converser sans porter son attention sur son geste vocal.

… Quelques exemples de situations : Un dîner dans un endroit un peu bruyant, crier sur ses enfants, lire à ses enfants un livre en prenant des voix bizarres, appeler son chien en forêt, se disputer, donner un cours, diriger une réunion, faire une conférence, téléphoner, etc.

…Transfert des acquis au quotidien :

Avant de terminer la séance, on proposera au patient de se fixer des objectifs pour la semaine à venir. Voici, là encore, quelques exemples :

  • Trouver un peu plus de temps pour les exercices, « du temps qui ne me prend pas du temps » : les exercices seront à intégrer au maximum dans les activités du quotidien.
  • Détente laryngée dans le métro.
  • Travail du souffle-textes en lisant ce que l’on lit d’habitude (livres, magazines).
  •  Conversation avec son conjoint qui propose un feedback.
  • Petites sonorisations après avoir posé le souffle adapté, sentir la voix confort en comparaison avec la voix d’effort. 
  • Mettre en place un échauffement quotidien ou quasi quotidien si besoin. (voir chapitre : Les échauffements et la récupération vocale)
  • Réfléchir aux situations pendant ou juste après : comment cela s’est passé, vocalement, mes sensations ? Signaux d’alarme ? Ce que j’ai pu mettre en place par rapport à ce que j’ai appris en séance, ou ce que j’aurais dû mettre en place.

L’idée est que le patient ne puisse pas vous dire : « je n’ai pas eu le temps de faire vos exercices ».

… Les autres composantes des séances peuvent être :

  • Voix-détente du geste vocal ou relaxation oro-pharyngo-laryngée avec une application directe à la voix (voir chapitre : La relaxation adaptée aux troubles vocaux (et au bégaiement) : Détendre les organes phonateurs et le geste vocal).
  • Tonus et tensions, apprendre à les gérer.
  • Quelques exercices selon la méthode de la paille du Dr Benoît Amy de la Bretèque.
  • Exercices vocaux.
  • Travail sur la résonance.
  • Travail sur l’espace, les espaces et l’intensité/résonance (voir en Bibliographie : Dysphonies et rééducations vocales de l’adulte, et chapitre : Optimiser la résonance pour optimiser le geste vocal.)
  • Apprentissage des techniques de voix d’appel : (voir le chapitre : Les étapes du travail de la voix parlée).
  • Conseils d’hygiène vocale.
  • Apprentissage d’un ou plusieurs échauffements (voir le chapitre : Les échauffements et la récupération vocale).

 

  • Travail de la voix chantée
  • La communication et la voix
  • La voix et les émotions.

….- Réflexion sur le rôle de la posture dans la phonation et application pragmatique. Plus que des exercices de posture, il s’agit pour ma part de mettre en évidence les postures pouvant contribuer au malmenage vocal et aider le patient dans de nombreuses situations du quotidien à mieux se positionner pour optimiser le geste vocal et protéger le larynx. Le patient s’observera chez lui dans différentes situations, à son travail, au téléphone, etc. et des modifications ou aménagements seront proposés.

LES ETAPES DU TRAVAIL DE LA VOIX PARLEE

Carine Klein-Dallant, Orthophoniste

Travailler le souffle et la voix avec des textes comme supports permet de confronter le patient à quasiment toutes les situations de phonation auxquelles il sera confronté. Une des principales qualités que l’on est en droit d’attendre de sa voix en fin de rééducation est que la voix puisse s’adapter en toutes circonstances : faire des phrases courtes, longues, voire très longues, varier les durées, ralentir le débit, l’accélérer, utiliser une intensité faible mais timbrée, forte mais sans effort, varier celles-ci, user d’une voix douce, tonique, découvrir les différents timbres que notre voix peut produire, etc. Voici ce que je souhaite vous faire découvrir au travers de ce chapitre.

Le chapitre détaille les étapes suivantes en proposant de nombreux extraits de textes :

  • Temps réguliers courts à moyens.
  • Augmentation du temps de souffle et du temps phonatoire
  • Variations des temps de souffle et des temps phonatoires
  • Nouvel allongement du temps de souffle et du temps phonatoire 
  • Débit, modulation et expressivité
  • A nouveau des temps très courts
  • Temps très courts, intensité minimum
  • Prise de conscience des tensions liées à un temps phonatoire mal géré
  • Expressivité et tonus
  • Phase essentielle : la conversation
  • L’intensité
  • Perturber le geste vocal et la voix
  • La voix d’appel

LA RELAXATION ADAPTEE AUX TROUBLES VOCAUX ET AU BEGAIEMENT

Détendre les organes phonateurs et le geste vocal

Carine Klein-Dallant, Orthophoniste

  • Qu’est-ce qui peut nous conduire à proposer de la relaxation ?
  • Que détendre ?
  • Quels objectifs se donner ?
  •  Différents types de relaxation
  • Relaxation orofaciale-pharyngo-laryngée (pour les patients : du visage, de la bouche, de la gorge et du larynx) 
  • La détente du geste vocal
  • La position préphonatoire
  • L’Imitation  comme support de la relaxation 
  • Hauteur et serrage 
  • Intensité et serrage 
  • Voix chantée 
  • Comment appliquer cela à la vie quotidienne ?
  • Comment prolonger le bien-être ressenti après une séance ?
  • Parcours proposé pour une détente globale 
  • Et si le patient demande un enregistrement de la séance…?
  • Combien de temps consacrer à l’apprentissage de la relaxation ?
  • La gestion de la douleur par la relaxation 

LES PROFESSIONNELS DE LA VOIX

Carine Klein-Dallant, Orthophoniste

Ce terme suppose une profession ou une activité qui sollicite tout particulièrement la voix : cela peut concerner la durée prolongée d’utilisation de la voix, la fréquence d’utilisation de celle-ci, l’intensité nécessaire, l’importante variation des situations phonatoires qui implique pour la voix de s’adapter et se réadapter très fréquemment à celles-ci. Certaines professions ont une exigence quant à la qualité, l’esthétique de la voix plus importante que d’autres (chanteurs, comédiens), d’autres comptent plus sur l’endurance (enseignants). Pour d’autres il y a une nécessité d’offrir à sa voix des qualités qui feront qu’elle devienne un outil maîtrisé de communication (avocats, conférenciers, journalistes,…). Certaines professions réunissent tous ces critères.

Ce qui caractérise ces professions, c’est que la voix est le principal outil de travail ou parmi les principaux outils et que lorsque la voix devient un problème, s’altère, se fatigue,  disparaît, on ne peut plus exercer son activité normalement. Cela peut déboucher sur un arrêt de travail, une rupture de contrat, une intervention chirurgicale parfois mais qui ne résout pas forcément le problème fonctionnel, ou encore sur de grandes difficultés professionnelles qui perturbent également sur le plan psychologique, voire social, familial.

Cela concerne de nombreuses professions, sans les citer toutes : les chanteurs, chefs de chœur, les  enseignants, au sens large; les comédiens (idem), imitateurs, marionnettistes, artistes de rue, ventriloques, avocats, journalistes, conférenciers, guides touristiques, interprètes, commerciaux, entraîneurs sportifs, commentateurs sportifs, animateurs de centres de vacances, centre aérés, personnels de la petite enfance (crèche…), membres du clergé, de l’armée, commerçants sur les marchés, forains, télévendeurs, téléconseillers, chargés de communication, commissaires-priseurs, et je rajouterai à cette liste notre belle profession d’orthophoniste-logopède-logopédiste pour saluer nos collègues belges, suisses et québecoises !  Bien que l’on ne les considère pas comme des professionnelles, je me permets d’ajouter les mères (et pères) de famille qui répondent, ô combien, à nombre de critères énoncés auparavant.

BILAN ET REEDUCATIONS VOCALES DES ENSEIGNANTS

Comment adapter au mieux l’évaluation et la prise en charge à chaque patient ?

Carine Klein-Dallant, Orthophoniste

Le travail vocal avec les enseignants est d’une très grande richesse de par les différences qu’apporte chaque patient. Si nous avions en face de nous deux femmes, enseignantes de primaire, dysphoniques, présentant des kissing-nodules, il n’y aurait a priori pas de raison d’effectuer la même rééducation ni de donner aux séances les mêmes contenus.  Parce que l’une aurait une classe difficile et bruyante et l’autre non, l’une parlerait fort et l’autre non, l’une aurait trois enfants sur lesquels elle crie en rentrant et l’autre n’aurait qu’un poisson rouge à qui raconter sa journée, l’une chanterait en chorale et l’autre aurait trois soirées par semaine dans des restaurants bruyants avec des amis, l’une chanterait en voiture et l’autre téléphonerait en marchant, l’une aurait une inspiration thoracique trop active et de fréquents problèmes de posture en classe et l’autre un serrage laryngé et une articulation trop tonique….

Le bilan et les séances qui s’ensuivront doivent permettre de mettre en évidence les particularités de chacun afin d’adapter notre prise en charge.

  • Le bilan
  • Les plaintes
  • Quelle perception le patient a-t-il des  signaux d’alarme ?
  • Ce que je fais de ma voix
  • Facteurs déclenchants
  • Facteurs favorisants
  • Objectifs de fin de bilan 
  • Qu’observer ? 
  • Voix non professionnelle 
  • Voix professionnelle : Eléments de rééducation 
  • Conseils
  • Conseils liés à l’Hygiène vocale :
  • Conseils pour limiter le forçage en raison du bruit et quand vous ressentez une fatigue ou une limitation vocale notamment 
  • Conseils concernant le Comportement vocal ou comment continuer à prendre soin de ma voix 
  • Conseils pour faire chanter les enfants 
  • Mises en situation 

LE TRAVAIL DE LA VOIX DANS SA GLOBALITE CHEZ LES COMEDIENS

Une prise en charge sur mesure

Carine Klein-Dallant, Orthophoniste

Les comédiens, professionnels de la voix, font partie des professions à risque sur le plan vocal, à l’instar des chanteurs, pour plusieurs raisons. Leur voix, leurs voix devrais-je dire ont besoin de polyvalence, donc de souplesse, d’endurance, d’intensité ou de conditions extrêmes parfois, d’adaptabilité (essentielle), et la liste n’est pas exhaustive, tout cela plus que dans d’autres professions. Cela permet en rééducation vocale d’explorer une très grande variété d’activités vocales.

            De nombreux comédiens ont au cours de leur carrière des problèmes vocaux qui les conduisent à consulter un Orl/Phoniatre. Ils viennent ensuite fréquemment consulter les orthophonistes pour des demandes assez variées, suite à : un diagnostic de lésion sur les cordes vocales, une dysphonie dysfonctionnelle, une aphonie, une altération du timbre (raucité, éraillement, souffle…) apparue parfois uniquement dans certaine situations de phonation (selon la hauteur ou l’intensité par exemple), la présence d’un serrage laryngé ou d’un forçage qui signe un inconfort voire une fatigue vocale de plus en plus fréquente, une difficulté à maintenir ou augmenter une intensité sans forcer, une diminution des possibilités vocales, une difficulté à maîtriser sa voix autant qu’avant, à en faire ce qu’on veut, ils ont le sentiment que leur voix leur échappe de plus en plus souvent et font fréquemment le constat qu’il leur faut de plus en plus de temps pour récupérer après une fatigue vocale. La voix qui en vieillissant perd de sa clarté et de ses capacités, dont le timbre s’altère, se fatigue plus vite, est également une demande fréquente.

 

Parfois les demandes ne relèvent pas de la pathologie, mais plus d’un besoin de travailler sa voix, de la rendre plus performante, plus souple, plus riche, d’acquérir de meilleurs outils pour la rendre adaptable à toute situation. Ce type de demande ne pourra faire l’objet d’une prise en charge remboursable par la sécurité sociale, mais n’en demeure pas moins un travail passionnant.

 

Dans les formations de comédiens, il n’est pas rare de trouver un enseignement concernant le travail de la voix, mais ces interventions, souvent effectuées par des comédiens, concernent plus des techniques (de souffle, de projection vocale …) mais permettent rarement aux futurs comédiens de comprendre et de savoir comment éviter les problèmes vocaux tout au long de leur carrière.

 

Le Bilan 

La Rééducation de la Voix un travail :

  •  du souffle et de la voix
  •  du souffle thoracique contrôlé
  •  du temps phonatoire, l’augmenter, s’exercer à l’irrégularité, varier l’intensité, jouer avec, l’augmenter sans forçage, sans effort vocal,
  •  de la résonance
  •  des timbres, explorer de nouvelles possibilités vocales
  •   développer la souplesse
  •   doublages, publicités : travail d’imitations de personnes, d’animaux, de bruits, afin d’élargir ses possibilités vocales
  •  Voix et détente
  •  Prendre conscience des signaux d’alarme que sa voix
  •  Voix et serrage, dicté par le texte, par le personnage, le metteur en scène,
  •  Voix et intensité, Voix d’appel :
  •  Prosodie, intonation, débit, pauses,
  •  Apprentissage d’un ou plusieurs échauffements
  •  Conseils d’hygiène vocale
  •  L’espace :
  •  Travail sur la posture 
  •  La voix chantée
  •  L’articulation 
  •  Le trac
  •  Les situations de vie extra-professionnelles
  •  Découvrir sa voix
  •  Travail sur textes
  •  Travail des émotions et leurs répercussions sur la voix et le geste vocal 

On trouvera dans le chapitre des extraits de textes permettant de travailler tout ce qui précède.

Les aphonies psychogènes :

Se taire à ôte-voix

Claire Gillie

Voix en souffrance[1] engoncée dans un corps souffrant, tel est ce corps aphonique ; il « ne répond plus » à la voix. Douleur muette, la voix se fige, sans pouvoir atteindre l’autre littoral qui se dérobe à son désir. Tout le corps se statufie ; les mots se gercent, les paroles s’emmurent…

C’est donc au prix de bien des tribulations que la voix se fraye un passage – le plus souvent en boitant, car en porte-à-faux, c’est-à-dire sans étayage – vers l’autre, autre de soi, autre du social. Funambule titubant au risque de la béance du vide, dans un aller-retour jouissif ou mortifère, bégayant d’un pas syllabique à l’autre, elle tente de redonner corps à la parole structurellement tentée par le silence de la mort.

Pourquoi ce qui n’a pu se dire s’écrit-il et trouve-t-il refuge dans le corps ? Avec Freud nous pouvons répondre qu’il y a une fonction inconsciente du langage ; avec Lacan, nous avons à entendre que le signifiant à maille à partir avec le spéculaire et la jouissance. La clinique de la voix « en souffrance » nous invite à « suivre à la lettre » le destin des paroles où la voix risque de se briser, de « se casser ».

« Sphincter à toute épreuve », à la source du flux vocal, la glotte est soumise à des pressions et des forces qui la poussent à se contracter, à son corps défendant. Car la voix aphone comme la voix lyrique naît « dans les douleurs de l’enfantement », entre deux contractions. Sur la corde raide, écartelée entre demande et désir, la voix en appelle aux retrouvailles avec la parole perdue dont la voix perdue n’en est que la défroque. Défiant le vertige qui saisit la parole en littoral du théâtre de l’ombre, au seuil du souffle suspendu à fleur de divan, le silence se fait legato d’une voix à l’autre, pour qu’il y ait du dire à entendre.

[1] Claire Gillie « La douleur muette ; le couteau sous la gorge », in Vox Dolorosa, sous la dir. de C. Gillie., Actes de la Journée Mondiale de la Voix 2013, éditions Solipsy, 2014

LA VOIX « GORGE DE PIGEON »

Claire Gillie

Apolline avait perdu deux ans avant cette tante qui l’avait beaucoup gardée quand elle était bébé ; il ne lui en restait qu’une photo au mur. Mais comme le travail de quelques séances nous l’apprit rapidement, elle avait emprisonné au fond de son gosier « les restes » des vocalises que faisaient encore cette tante-nounou chanteuse alors qu’elle gardait sa nièce. La mère d’Apolline n’avait jamais « supporté les débordements lyriques » de sa sœur, « remariée avec son putain de chant » depuis son divorce. Et elle pourra dire très vite qu’entendre les « piaillements » de sa fille lui ressuscitaient cette autre voix haïe de sa sœur aînée, qui n’était plus « la douce voix des berceuses » de son enfance.

Notre voix marquée des cicatrices, ratures et effacements de notre vie, s’offre comme un palimpseste à l’écoute de l’autre. A bien y tendre l’oreille, elle se déroule comme un parchemin vocal dont le texte primitif – la voix émergeante de la prime enfance – aurait été gratté et sur lequel des voix nouvelles s’inscriraient au gré des situations vécues. L’enfant pris dans cette boucle socio-phonatoire, héritier d’une « voix de nature » aussi bien que « de culture », se trouve confronté, dès les premiers moments d’éducation, à la transmission orale d’habitus vocaux qui confèrent au groupe son sentiment de cohésion sociale.

Voix non stabilisées, car souvent déstabilisées par la parole de l’adulte, ce sont ces voix que nous avons appelées « gorge de pigeon »…

Celui que nous appellerons « l’homme à la barre » le sait.  Lui le doubleur, professionnel de la voix, qui sait « épouser » toutes les voix, il ne reconnaît plus sa voix, ne se reconnaît plus dans sa voix.

« Je suis en mode ‘voix de gorge de pigeon’ aujourd’hui. Vous voyez une voix grise, avec juste des reflets bleutés, qui se pose comme ça sur le rebord de fenêtre, qui roucoule, qui fait son joli cœur. Et puis si vous approchez, elle s’en va dans un grand battement d’ailes. Elle vous laisse des plumes…. D’ailleurs, j’y laisse des plumes … grises elles aussi. Mais le bleu c’est pour la gorge… Le bleu, la couleur des garçons… Les bleus à l’âme … Des bleus sur les cordes vocales … Le blues… »

La conservation de la voix et de la parole chez l’adulte devenu sourd ou malentendant

Emilie Ernst

Le travail de conservation de la voix et de la parole est un des axes de rééducation abordé dans la prise en charge orthophonique d’un adulte devenu sourd ou malentendant. Le fait de restaurer même partiellement la boucle audio-phonatoire via un appareillage est une première étape, mais elle ne suffit souvent pas à reprendre le contrôle de la voix. Le défi de cette rééducation sera de s’affranchir de ce feedback auditif, en trouvant d’autres repères permettant au sujet devenu sourd de contrôler son émission vocale.

7.      Un contrôle vocal possible malgré l’absence de feedback auditif ?
7.1.   L’existence de feedbacks autres que le feedback auditif

 

Certaines situations semblent indiquer qu’un contrôle de la voix reste possible, même en l’absence d’un rétrocontrôle auditif de qualité. Ainsi nous parvenons tous à parler de façon efficace, même en présence d’un bruit de fond masquant (Lane & Tranel, 1971; Pittman & Wiley, 2001). Dans une chorale, chaque chanteur reste capable de modérer l’intensité de sa voix alors qu’il ne l’entend pas se détacher de la voix de la chorale, il peut résister à l’effet Lombard (Tonkinson, 1994).

De même, certains sujets entendants chez qui on altère le feedback auditif comme certains adultes devenus sourds gardent une voix et une articulation tout à fait correctes, compensant l’altération par un autre type de feedback.

8.4.    Travail de la coordination pneumo-phonique

 

Il est d’usage de proposer au patient de tenir une constrictive sourde F, S ou CH afin de trouver une coordination pneumo-phonique exempte d’effort et de tension, car ne sollicitant pas la vibration laryngée. Mais ces consonnes étant aiguës et de faible intensité, le patient sourd risque de chercher automatiquement à entendre sa production, d’ajouter des tensions laryngées et d’augmenter son souffle, allant ainsi à l’encontre de l’effet recherché. Il sera possible de travailler cette coordination en débutant par d’autres phonèmes comme le M ou les constrictives V, Z ou J qui sont plus graves, plus intenses et mieux perçues par l’oreille. Quand les sensations proprioceptives se seront mises en place, il sera temps de revenir à la réalisation de sons auditivement moins bien perçus.

Féminiser la voix

Dominique Morsomme et Angélique Remacle, logopèdes

  1. Introduction

La féminisation vocale n’est pas la préoccupation unique des personnes transgenres, même si ce chapitre est consacré à l’acquisition des patterns vocaux féminins. Nous précisons que dans le cadre d’un travail avec des acteurs ou des comédiens, nous sommes parfois amenés à travailler la féminité vocale, pour un rôle au cinéma ou sur scène. Il arrive également que des patientes, pour des raisons hormonales, doivent au cours de leur vie  être traitées avec des hormones stéroïdiennes. A forte dose, une masculinisation laryngée peut s’installer définitivement, ceci étant fort heureusement rarissime. Ces personnes seront susceptibles également de faire l’objet d’une demande en orthophonie.

……

  1. La demande de féminisation vocale

 En consultation, nous ne recevons que les personnes soucieuses d’être perçues en tant que femmes via leur voix. En effet, il faut savoir qu’un certain nombre de personnes trans ne souhaitent pas nécessairement modifier radicalement leur voix.  Elles acceptent donc, plus ou moins bien, cette différence qui peut persister entre corps et voix. C’est compréhensible lorsque l’on sait que la voix est le reflet de notre personnalité. Socialement, le changement peut donc perturber la reconnaissance de la personne par son entourage. Dans son enquête auprès d’un groupe de personnes trans, Arnold (2015) recueille plusieurs témoignages allant dans ce sens.

Figure 1. Modèle de la fatigue vocale (Remacle, 2013)
Figure 1. Modèle de la fatigue vocale (Remacle, 2013)

L’Art de l’Accordage relationnel : voir sa voix en miroir sonore

Apport du spectrogramme dans la relation « accompagné-accompagnant »

 

Dr  Isabelle Marié-Bailly, Orl-phoniatre

 

	 L’Art de l’accordage relationnel Voir sa voix en miroir sonore

L’Art de l’accordage relationnel
Voir sa voix en miroir sonore


En phoniatrie, un accompagnement psycho-thérapeutique
Prélude : Dans cet article, la voix, abordée comme reflet de l’état physique et psychique de chaque personne, est questionnée par le spectrogramme, médiateur multisensoriel en miroir, révélateur et facilitateur du lien entre la qualité d’écoute et l’émission vocale, dans la relation à l’autre et à soi-même, permettant à chacun de l’incarner véritablement, de mieux appréhender son impact sur autrui et de la moduler en fonction de ses interlocuteurs et de son environnement.

Un accompagnement à l’aide du spectrogramme est proposé à toutes les personnes suivies en consultation phoniatrique au Centre Hospitalier d’Orléans, pour des problèmes vocaux, souvent dysfonctionnels, des troubles de la communication ou de l’audition. La réaction de la grande majorité des néophytes voyant leur voix est enthousiaste, voire narcissisante. Cependant, il peut arriver que ce miroir sonore se révèle confrontant, même si le cadre thérapeutique contribue à équilibrer la relation accompagné-accompagnant, tous deux, face à l’ordinateur en médiateur.

2-En musicothérapie, un miroir sonore de la relation en accordage

Une mémoire miroir de la Démence Sénile de type Alzheimer

Un médiateur facilitant la relation avec les personnes handicapées

3-En formation professionnelle, l’art de l’accordage relationnel

Poslude: Quel que soit le contexte de la relation thérapeutique ou pédagogique, le spectrogramme joue un rôle de tiers médiateur, permettant de renouveler le regard et l’écoute, d’ouvrir les champs d’expérimentation et de libérer les vocalisations, dans une atmosphère bienveillante, ludique et créative, favorable au mieux-être de chacun, « accompagné », « accompagnant », en « accordage ».

L’évaluation médico-légale de la pathologie vocale

Pr Philippe. H. Dejonckere,

Orl-phoniatre 

Les tribunaux sont fréquemment confrontés au problème de la réparation de dommages corporels, que ce soit en droit commun, en rapport avec le système de sécurité sociale du pays, ou encore par exemple en rapport avec l’assurance ‘Maladies Professionnelles’, telle que la connaissent la plupart des pays Européens. Quelques exemples : une jeune femme victime d’un traumatisme laryngé lors d’un accident de voiture provoqué par la faute d’un autre conducteur ; une institutrice maternelle de trente ans, qui, après récidive de nodules vocaux opérés et 18 mois d’orthophonie, n’est plus en état d’exercer sa profession ; un travailleur manuel de 48 ans qui demeure dysphonique et dyspnéique après une laryngectomie reconstructrice ; un recours judiciaire après échec de phonochirurgie pour œdème de Reinke chez une avocate de 52 ans. Dans tous ces cas, s’il y a intervention d’un tribunal, le juge sollicitera l’expertise d’un médecin (mais pas nécessairement spécialisé en laryngologie ou en phoniatrie, surtout si le dommage corporel est multiple) pour déterminer d’une part le rapport de causalité, d’autre part le pourcentage d’invalidité physiologique et – le cas échéant – sa répercussion socio-économique, notamment sur la capacité résiduelle de gain. Toutefois, et notamment lorsqu’il s’agit d’un litige en matière de pathologie professionnelle, il arrive que le juge désigne deux experts : l’un, médecin, doit évaluer l’invalidité physique, l’autre, ergologue, la répercussion de l’invalidité physique sur la capacité de travail. Pour ce faire, l’ergologue estime, en tenant compte de l’âge, de la formation professionnelle etc. de l’intéressé, mais aussi de la région, du marché du travail, de contingences socio-économiques, le pourcentage d’emplois auxquels l’intéressé n’a, en raison de sa limitation physique, plus accès.

 

 

 

En matière d’expertise médicolégale d’un trouble de la voix, persistent encore, dans les divers systèmes et barèmes que proposent différentes instances et pays, de nombreuses imprécisions, incohérences et confusions. Le manque de cadre de référence standardisé concerne tant les techniques à employer pour l’examen d’expertise que les fourchettes de pourcentages attribués. Il est à recommander que l’expertise d’un problème de voix soit réalisée par un professionnel (laryngologiste / phoniatre) équipé d’un matériel basique, et qui applique une approche multidimensionnelle accordant un poids important à l’objectivité.

Le feedback instrumental en pédagogie du chant

Pr Philippe. H. Dejonckere,

Orl-phoniatre 

Vidéokymogramme de la vibration des plis vocaux d’un chanteur amateur, à l’acmé d’un ‘messa di voce’ (2 cycles vibratoires).
Vidéokymogramme de la vibration des plis vocaux d’un chanteur amateur, à l’acmé d’un ‘messa di voce’ (2 cycles vibratoires).

 

En matière d’expression artistique des émotions, la voix fait – entre autres – appel à un certain nombre de compétences techniques qui font l’objet de la pédagogie vocale traditionnelle. Ces compétences techniques résultent de comportements moteurs et/ou posturaux qui sont dans une certaine mesure sous contrôle volontaire. L’avènement de nouvelles technologies permet de quantifier et de visualiser un certain nombre de ces compétences (ou des paramètres qui en sont le reflet) d’une manière minimalement ou non-invasive, et en temps (quasi-)réel. Il est donc permis de s’attendre à ce que de telles méthodes de feedback puissent apporter tant au maître qu’à l’élève une meilleure compréhension des processus en jeu et un meilleur contrôle du résultat vocal, et donc revêtir quelque intérêt dans la didactique.

De multiples techniques de feedback sont actuellement disponibles et applicables à la pédagogie du chant, certaines basiques, d’autres beaucoup plus sophistiquées. Un vaste domaine de recherche (innovation, faisabilité, pertinence) est ouvert, mais nécessite la collaboration étroite des chercheurs avec les professeurs et les étudiants des disciplines artistiques vocales. Le développement technologique (miniaturisation, caractère non-invasif, simplicité d’utilisation etc.) repose sur une concertation entre les utilisateurs potentiels et ceux qui peuvent réaliser le prototype, puis l’éventuelle version commerciale.

Travail vocal et spectrogramme : pourquoi, comment ?

Florence Parmentier, Orthophoniste

1.1        Exploration des formants vocaliques
1.1.1       Le timbre vocalique

Lorsqu’on émet une voyelle, le son source (débit d’air pulsé au niveau des cordes vocales) est modifié par le filtre constitué par le conduit vocal, qui atténue certaines fréquences et en privilégie d’autres, de façon à renforcer les formants constitutifs de la voyelle. Par exemple, la fréquence du premier formant augmente avec le caractère ouvert de la voyelle. (séquences « i – é – è –  a » et « ou – o (fermé) – o (ouvert) – a ») et la fréquence du deuxième formant augmente avec le caractère antérieur de la voyelle (séquence « ou – u – i » comme sur la figure 8).

1.1.2        Sur des consonnes

Le Dr. Isabelle Marié-Bailly décrit un exercice qui permet de jouer avec des hauteurs perçues même lorsque la vibration des cordes vocales n’est pas possible. Lorsqu’on émet des consonnes non voisées (comme « f » « s » « ch » ou « p » « t » « k ») en mettant son conduit vocal dans la forme voulue pour la voyelle suivante, les formants de ces voyelles sont accentuées dans le bruit des consonnes (coarticulation), et cela est visible sur le spectrogramme (figure 7).

 

fig 7 : exercice de coloration du « s » (i et ou) ; échelle 8 kHz
fig 7 : exercice de coloration du « s » (i et ou) ;
échelle 8 kHz

 

fig 8 : chateau des voyelles ;  échelle 4 kHz
fig 8 : chateau des voyelles ;
échelle 4 kHz

La source glottique, pour le fry, fournit un large spectre d’harmoniques qui permet d’observer les premiers formants des voyelles. Prendre conscience des formants vocaliques permet au patient, et surtout au chanteur, de préciser ses voyelles et de gagner en efficacité vocale. Donald Gray Miller explique très précisément comment certains chanteurs modifient sensiblement le timbre de la voyelle pour faire correspondre le deuxième formant de la voyelle avec  les harmoniques du son émis, qui, eux, dépendent de la hauteur tonale du son produit. »

Aspect chirurgical de la féminisation vocale

Pr Marc Remacle, Chirurgien Orl

et Dr Nayla Matar, Chirurgien Orl

« Le chirurgien confronté à une personne désirant avoir une chirurgie pour féminisation vocale se retrouve face à un grand dilemme : il doit opérer des plis vocaux sains afin d’avoir une voix plus adaptée à l’identité genrée du patient. Pour cette raison, la chirurgie idéale pour la féminisation vocale devrait être fiable avec le moins de morbidité possible (si possible sans cicatrice visible) et permettre d’agir sur le plus grand nombre de paramètres qui interviennent dans la reconnaissance de la voix comme une voix féminine. Elle permettrait donc aux personnes transgenres d’avoir une voix féminine d’une façon authentique, spontanée, confortable, fiable et sans effort. En d’autre termes, une personne transgenre souhaiterait ne pas avoir à penser à sa voix avant de parler. Elle ne souhaiterait pas utiliser sa voix de femme, mais avoir une seule voix, une voix de femme. De plus, la chirurgie devrait avoir des résultats durables et stables à long terme. »

« Les chirurgies utilisées pour la féminisation vocale peuvent être divisées en différentes catégories. Celles qui agissent uniquement sur les plis vocaux versus celles qui agissent sur le larynx de façon plus globale. La deuxième classification possible se fait en fonction de la voix d’abord : abord endolaryngé versus abord externe. »

Dysphonie spasmodique

Pr Marc Remacle, Chirurgien Orl

et Dr Nayla Matar, Chirurgien Orl

« Il existe 2 types de DS. Le premier type correspond à la dysphonie spasmodique des adducteurs, elle représente 90 % des DS, et elle est caractérisée par des interruptions dans la voix lors de la fermeture des cordes vocales en raison des spasmes des muscles adducteurs. Le deuxième type est la dysphonie spasmodique des abducteurs, elle représente moins de 10% des DS, elle est caractérisée par des fuites d’air lors de la phonation en raison des spasmes des abducteurs. »

« Même si l’injection de BTX est le traitement le plus utilisé pour la DS, d’autres techniques ont été développées pour pallier ses désavantages. Ces techniques chirurgicales ont quant à elles quelques inconvénients : (1) elles nécessitent une anesthésie générale, (2) elles dépendent des connaissances et de la technicité du chirurgien. Le principal avantage de ces techniques est qu’elles entrainent une amélioration de la voix à plus long terme que le BTX qui nécessite une nouvelle injection chaque 3 à 4 mois »

PRISE EN CHARGE ORTHOPHONIQUE APRES LARYNGECTOMIE TOTALE

Christine Goetgheluck, Orthophoniste

  1. Anamnèse
II Évaluation des modes de communication
III Prise en charge orthophonique
III.1 Éducation thérapeutique
III.2 Apprentissage de la VO
III.3 Apprentissage de la VTO
III.4 Évaluations
IV Difficultés rencontrées
IV.1 Par le patient
IV.2 Par le rééducateur
V Échecs
VI Accompagnement au long cours

….

Complications existantes

–       RGO

Le reflux gastro-œsophagien est assez fréquent après LT ou PLT. Souvent, l’absorption d’un IPP (inhibiteur de la pompe à protons) résoudra les problèmes de reflux. Il est donc important, là encore, d’être en relation avec le médecin référent.

–       La mucite post radique  est une inflammation des muqueuses buccales en cours ou après la radiothérapie et la chimiothérapie pouvant aller jusqu’à l’ulcération.

Si elle est présente lors de cette rencontre devra être traitée. Là encore, la collaboration étroite avec le médecin référent permettra d’apporter à votre patient l’aide dont il a besoin (dans ce cas, des bains de bouche)

–       L’état dentaire du patient peut entraver la prise en charge. Une édentation partielle ou totale avec une prothèse dentaire mal adaptée sera préjudiciable. J’ai le souvenir d’un patient, en grande difficulté, pour sortir un son œsophagien : après chaque injection, lorsqu’il souhaitait sonoriser, son appareil dentaire se détachait et tombait dans la cavité buccale. Il a fallu qu’il revoie son prothésiste dentaire afin de « régler » l’appareil. Quel soulagement ensuite pour lui !

Un contrôle dentaire est effectué avant l’intervention chirurgicale, les dents malades ou douteuses sont retirées. Après intervention et traitement complémentaire, les patients dont la dentition est encore existante, se verront proposer des gouttières fluorées qui devront être mises chaque jour pendant une dizaine de minutes. ….

 

….

III PRISE EN CHARGE ORTHOPHONIQUE

Anamnèse et évaluation ayant apporté tous les éléments nécessaires à la mise en place rééducative, l’orthophoniste peut aborder maintenant les apprentissages.

 

III.I Éducation thérapeutique

Les modifications anatomiques, physiologiques, fonctionnelles, conséquentes à la laryngectomie totale vont dérouter le patient ; il a besoin pour appréhender sa vie « d’après LT » de connaitre, comprendre tous ces changements pour garder toute son autonomie.

Lors de l’ablation du larynx, si la continuité digestive n’est pas modifiée, il n’en est pas de même de la continuité respiratoire. En effet, la trachée est abouchée à la peau et l’air pulmonaire n’est plus acheminé au-delà du cou. À l’aide de schémas, dessins ou vidéos, il est très facile de représenter au patient ces modifications : visualiser, éprouver (en bouchant son trachéostome quelques secondes par exemple ou en essayant de souffler sur une bougie) permet de comprendre ce qui se passe.

Le trachéostome, ce « trou » nouvellement pratiqué est bien souvent à l’origine d’angoisses et de frayeurs : combien de patients n’osent pas, dans les premiers temps, le « regarder », le « toucher ». Certains, même, ne pourront jamais faire leurs propres soins. Des peurs récurrentes : « la nuit, une araignée ou une mouche ne peut-elle pas entrer par le trou ? ».

L’éducation thérapeutique, mise en place, si possible avant l’intervention puis, tout au long de l’hospitalisation et poursuivie au domicile, aidera le patient à abandonner ses appréhensions, à dominer ses craintes.

Apprendre à nettoyer le trachéostome (à l’aide d’une compresse et de sérum physiologique), retirer les éventuelles sécrétions durcies (à l’aide d’une pince coudée), connaitre l’existence des protections trachéales lavables ou jetables, des nez artificiels et autres échangeurs d’humidité, tout cela est indispensable au patient laryngectomisé pour « s’approprier » sa nouvelle morphologie.

Équipé dès l’intervention d’une canule, le patient laryngectomisé sera guidé quant à son maintien, évolution ou ablation par l’équipe soignante qui le suit. Servant à calibrer le trachéostome, la canule évoluera en effet au cours des semaines et des mois jusqu’à son éventuelle disparition. Il n’y a pas de « règles » quant à la durée de maintien d’une canule, chaque cas est différent, certains s’en passent très rapidement car le trachéostome bien armé sur un anneau trachéal n’aura nul besoin d’être calibré ; d’autres, par contre, devront garder de longs mois une canule souple, un bouton trachéal  (mini canule de 2 à 3 cm) leur vie durant ou une canule longue après résection de trachée ou affaissement de celle-ci par exemple.

C’est donc en accord avec le chirurgien que l’Orthophoniste pourra aider et conseiller le patient sur ce point.

Également, l’apparition de bourgeons intra-trachéaux, de saignements au mouchage (trachéite crouteuse), s’ils sont vus et identifiés par le patient, pourront être pris en charge rapidement par l’ORL qui le suit.

Les porteurs d’implants devront, de surcroit, maitriser l’entretien de leur prothèse :

–       Nettoyage avec brosse et sérum physiologique

–       Rinçage postérieur  (œsophage) avec poire remplie d’eau

–       Déglutition d’eau en cascade

–       Port de filtre adapté permettant une adhérence totale à la peau pour un fonctionnement optimum de l’implant.

Ils devront savoir identifier les fuites impliquant un changement de prothèse ; le café est pour cela le liquide idéal qui  « annoncera » au patient la nécessité de revoir son chirurgien en vue d’un changement rapide de l’implant.  En effet, un café s’écoulant dans la trachée ne peut que faire tousser le patient et l’alerter.

….

 

La réalisation correcte d’un premier son œsophagien sera souvent pour le patient une « révélation », un « soulagement ». En effet, si certains dès le premier essai obtiennent un son clair sans effort, d’autres au contraire mettront des jours, voire des semaines avant de réussir une sonorisation, se persuadant alors de ne jamais pouvoir y arriver.

Les explications, les schémas, les démonstrations par d’autres laryngectomisés ou par l’Orthophoniste lui (elle)-même guideront le nouvel opéré vers la réussite. Une fois le mécanisme acquis, la progression suivra : syllabes, mots, mots-phrases, petites phrases, sons difficiles, contraste sourde-sonore …Nous aborderons plus loin les éventuelles difficultés.